L’uniformité imposée par les codes haussmanniens a fini par bâillonner la créativité des architectes parisiens. En 1882, l’assouplissement de la législation agit comme une bouffée d’oxygène et libère leur imagination : le mouvement Art Nouveau voit le jour. Il sera aussi puissant, fantaisiste, exubérant, flamboyant et jubilatoire… qu’éphémère (1890-1910).
Il se caractérise par des formes inspirées de la nature, où s’invitent les lignes aux courbures élégantes, des fleurs, des végétaux et autres motifs naturels.
Une architecture décomplexée
L’Art Nouveau fait ses premiers pas dans le 16e arrondissement, qui compte aujourd’hui encore environ 400 bâtiments issus de cette mouvance architecturale. Le Castel Béranger, situé au 14 rue de la Fontaine, est le premier à révolutionner les codes de l’époque. Le fer forgé, le métal, la meulière s’invitent en façade, les lignes se font courbes et les motifs en arabesques puisent sans complexe leur inspiration dans la faune et la flore. Cet immeuble fondateur est l’œuvre d’Hector Guimard, grand maître de l’Art Nouveau, qui dessina entre 1899 et 1904 plus de 380 bouches de métro ! Pour bien comprendre de quoi l’on parle, un petit tour à la station Abbesses s’impose…
Qu’elle semble loin, l’ère Haussmann
Après le 16e, l’Art Nouveau essaime dans le 6e, le 2e, le 10e, le 7e, le 18e… Ici et là, les façades se couvrent de carreaux en grès, de bow-windows suspendus, d’ossatures apparentes en acier, de briques, de ferronneries entrelacées… Les architectes osent l’asymétrie, le mélange des styles. L’imagination n’a plus de limites, comme en attestent quelques joyaux de l’époque. Au 14, rue d’Abbeville dans le 10e arrondissement, on est assurément aux antipodes des codes haussmanniens ! Admirez la facture exceptionnelle de la façade tout en luxuriance végétale et évocations fantastiques.
Samaritaine, nous voilà !
S’il ne fallait retenir qu’un immeuble Art Nouveau à Paris, ce serait bel et bien celui du 29 avenue Rapp dans le 7e qui n’a (presque) rien à envier à ses cousins barcelonais (Gaudi, quand tu nous tiens…). Excentrique, fantaisiste… Les qualificatifs ne manquent pas pour exprimer l’originalité de la façade, où chaque détail compte. Où qu’il se porte, notre regard se pose sur des pépites architecturales : fleurs, animaux, motifs… et même, diront d’aucuns, une représentation suggestive de sexe masculin sur la porte d’entrée !
Difficile de résumer en quelques lignes toute la richesse du style Art Nouveau à Paris. Refermons ce chapitre en évoquant avec bonheur le plus sublime des joyaux de l’époque, qui vient de rouvrir ses portes après 15 ans de restauration dans les règles de l’art : la Samaritaine.